Pourquoi n’investit-on pas plus pour les nouveaux gestionnaires?
(Traduction libre de l’article paru dans HBR en juin 2016, par Victor Lipman)
Pendant les 5 dernières années de ma carrière de manager, j’ai bénéficié de beaucoup de soutien au développement de mon leadership. Avec de nombreux autres cadres, j’ai assisté à des conférences d’auteurs reconnus, j’ai participé à des exercices de team-building et à des discussions sur les styles de leadership. C’était intéressant, parfois très intéressant et parfois un peu moins, mais cela m’éloignait toujours pendant un temps de mon quotidien de manager.
Et comme j’approchais de la fin de ma carrière j’ai réalisé que j’avais eu beaucoup plus de formations dans les 5 dernières années que dans les 20 premières années lorsque j’en aurais eu le plus besoin.
Nombre d’étudiants en management s’accordent sur le fait que la transition d’employé à gestionnaire est un est défis les plus importants. Cela amène de nouveaux rôles, de nouvelles responsabilités, une nouvelle façon de voir l’organisation, de nouvelles façons d’interagir avec les gens et de multiples enjeux. Comme beaucoup de nouveaux gestionnaires, je pateaugeais. J’évitais les conflits. Je n’étais pas assez solide quand j’aurais du l’être et ensuite je compensais en essayant trop fort. J’étais grandement soutenu par ce grand professeur: « Essai et erreur ». J’ai fait tellement d’erreurs sur mon parcours que je ne peux même pas me rappeler les 200 premières d’entre elles.
Mon message est: Les nouveaux gestionnaires auraient toujours avantage à recevoir plus de soutien.
Il est difficile de trouver de l’information sur les sommes investies dans la formation du management (pour les superviseurs ou les gestionnaires) et dans le développement du leadership (pour les cadres confirmés). Une des raisons est que la distinction entre les deux types de formation est difficile à établir. Certaines études semblent regrouper les formations techniques et les formations en gestion (compétences personnelles, relationnelles, ou « soft skills »). Mais les consultants avec qui j’ai pu échanger sont d’accord sur le fait que mon expérience, très en retard sur le sujet de la formation, était assez commune.
Je sais que les budgets de développement des compétences sont toujours très serrés mais nous ne pouvons pas continuer à ignorer les gestionnaires juniors à qui la formation profiterait le plus. Je ne dis pas que le développement des compétences en leadership des cadres confirmés n’a pas de valeur – bien sûr qu’il en a – mais la répartition des efforts ne semble pas réaliste. Nous pénalisons peut-être, sans le vouloir, nos organisations en donnant si peu de soutien aux employés situés plus bas dans la hiérarchie.
Quels facteurs contribuent à ce déséquilibre des formations ? Je pense qu’il y en a 3 principaux:
Les personnes qui contrôlent ces budgets sont des gestionnaires confirmés. Qu’ils soient au département des ressources humaines ou dans un autre service proche de la direction, ils prennent leurs décisions en fonction de leurs intérêts et enjeux actuels et non pas en fonction des enjeux qu’ils ont rencontré dans les décennies précédentes quand ils débutaient leur carrière.
Le développement du leadership est plus sexy. Enfin, vous voyez ce que je veux dire. C’est plus visionnaire. Plus stratégique. Moins prosaïque. Selon mon expérience, le développement du leadership est souvent vu comme le grand frère cool de l’ennuyeux demi-frère « formation du management ». Même mes deux citations favorites sur le sujet (qui sont toujours reprises dans les sessions de développement du leadership) trahissent un subtil préjugé.
« Le management c’est de bien faire les choses. Le leadership c’est de faire les bonnes choses. » – Peter Drucker
« Les managers pensent à aujourd’hui. Les leaders pensent à demain. » – Anonyme
Je dois avouer que les très bons managers que je connais sont préoccupés de faire les bons choix et pensent toujours à demain.
Mais même si nous reconnaissons que les trains doivent arriver à l’heure, qui veut être englué dans des détails opérationnels quand il pourrait être occupé à imaginer de grandes stratégies gagnantes ?
C’est là que se trouvent l’argent, l’influence et le pouvoir. Bien évidemment, les fournisseurs les plus aguerris gravitent à ce niveau. Dans ce jeu à somme nulle où les budgets de formation sont comprimés en permanence, le favoritisme envers le développement du leadership n’est pas surprenant. C’est bien plus stimulant par exemple, d’examiner la productivité en Chine que de former quelqu’un à faire une bonne évaluation annuelle. C’est bien plus intéressant de deviser sur les innovations de rupture que sur les façons de mener une réunion sans que les participants ne deviennent fous. Mais ces deux niveaux de compétence sont nécessaires. Sans un bassin de fantassins bien formés, les généraux auront toujours des problèmes. Sans un bon management sur le terrain, les opérations souffrent. « La vision sans l’exécution n’est qu’une hallucination » comme disait Thomas Edison.
Il y a une dernière raison pour laquelle la surabondance de formation offerte aux cadres expérimentés est peu efficace. Dans les dernières étapes de leur carrière, les cadres ont des manière de faire bien ancrées. Leurs bonnes habitudes et leurs mauvaises habitudes. Après plusieurs décennies, je sais que c’est ce qu’il m’est arrivé.
À l’autre bout du spectre en revanche, les nouveaux gestionnaires (qui sont bien sûr les futurs leaders de l’organisation) sont une ardoise blanche à la recherche de leur style de leadership. Ils sont des éponges avides d’informations, ont le cerveau plein de problèmes à résoudre et sont gourmands de tous les bons conseils qui les aideront dans ce sens.
Est-ce donc vraiment une bonne décision d’affaires que de donner moins de formation à ceux qui en ont besoin et d’en donner plus à ceux qui le nécessitent le moins?