L’entrepreneur doit-il se fier à son intuition ?
Dans un monde de technocrates dans lequel on valorise tellement le rationnel, laisser la place à l’intuition c’est nager à contre courant. Pourtant les grands succès en affaires viennent d’intuitions. Bombardier, Jean Coutu ou le Cirque du Soleil, du moins à l’origine, sont des réalisations découlant d’intuitions, de pulsions inexplicables. Comme homme d’affaires depuis plus de 30 ans, je me suis généralement fié à mes intuitions. Parfois j’ai eu tort mais plus souvent j’ai eu raison. Comme coach, je développe chez mes clients cette capacité à reconnaître et à utiliser l’intuition.
J’ai travaillé dans ma carrière avec plus de 250 chefs de PME. Dans la majorité des cas, l’intuition était à la base de leurs succès.
L’intuition n’est pas l’improvisation.
Ce n’est pas parce que l’on se fie à l’intuition que l’on doive se précipiter dans le vide sans préparation. L’analyse est essentielle, elle sert à confirmer l’intuition avant la décision. Contrairement à la tendance bureaucratique où l’analyse sert de guide à la décision.
L’intuition, ce sentiment de savoir sans être capable de préciser d’où vient cette conviction est innée chez tout le monde, mais certains y font davantage confiance. Ceux qui croient en eux, qui sont capables de chercher à l’intérieur d’eux-mêmes, de laisser émerger des idées sans les juger, ceux qui peuvent se placer en dehors du fonctionnement rationnel, qui sont prêts à renoncer aux repères traditionnels, pourront davantage découvrir des opportunités et trouver des solutions innovatrices.
Mon travail de coach d’affaires consiste à stimuler le potentiel humain, donc à pousser mes clients à découvrir en eux les éléments capables d’alimenter l’intuition, mais…ai-je raison ?
L’intuition étant le traitement de l’information en dehors de la conscience (théoriquement) le résultat, la « sensation » qui en dégage, reste un fait, une idée, qui mérite d’être par la suite analysée.
Le problème ne serait pas de faire ou non confiance à notre intuition. En effet, se dire de toujours ou de jamais faire confiance à l’intuition serait, dans les deux cas, probablement mauvais.
Il faut simplement prendre le temps d’analyser les idées qui nous viennent de cette intuition. Rien n’empêche d’y jumeler le rationnel. Rien n’empêche aussi de temps en temps de prendre une chance et de se tirer dans le vide avec un projet ou une idée. Ça fait du bien, oser, mais comme il est dit, cela n’est pas de l’improvisation : il faut, qu’en un sens, les idées soient réalistes. Pas nécessairement ultra réalistes (ce ne serait plus vraiment de l’intuition, juste une suite logique d’actions), mais avec au moins un tout petit fond de possibilités.
Que pensez-vous des entrepreneurs qui sont capables de se projeter plusieurs mois, voir années, dans le future? C’est bien de rêver, de se fixer des buts, mais éventuellement, vouloir trop voir loin devant soi en planifiant exactement tout, n’est-ce pas une excellente façon de se couper de son intuition si elle venait à surgir?
Je suis d’accord avec toi, Claude. J’irais même un peu plus loin, on peut développer son intelligence intuitive, comme on le fait aujourd’hui pour son intelligence émotionnelle.
L’entrepreneuriat est basé avant tout sur la subjectivité et non la rationnalité ou l’ojectivité, n’en déplaise à nos « amis » les comptables et les financiers. Sachons écouter cette petite voix au fond de nous et non la rejeter trop rapidemment.
L’intuition intervient à plusieurs niveaux, tant pour des décisions à très court terme que pour des projets ou rêves à plus long terme.
Parfois on a « envie » de prendre une décision particulière ou on a l’impression que ce serait une bonne chose; quel que soit le nom qu’on lui donne, l’intuition est un mélange de désirs personnels et d’intelligence latente (nous avons capté des éléments, inconsciemment, qui nous font penser que…). On peut s’entraîner à identifier les signes, en particulier physiques, qui nous indique une intuition: un serrement de ventre, une pensée récurrente, une crainte ou au contraire un enthousiasme inexplicable. Par la suite, il faut la tester et valider si nous avons bien suivi notre intuition ou cru la décoder à partir d’éléments purement rationnels.
Moyennant cet entraînement, l’intuition est extrêmement utile aux entrepreneurs. Elle permet de détecter de mauvais partenaires comme de belles opportunités.
Jason, peu de gens sont finalement capables de planifier à long terme avec précisions, sans avoir à faire des ajustements sur le parcours, grâce justement à de nouvelles intuitions ou simplement à de nouvelles informations. Pas de risque de s’en couper… il n’y a que les personnes ultra-rationnelles qui risquent de ne pas parvenir à s’en servir, mais là encore, un entraînement est possible.
Claude Ananou, oui il y a une part de subjectivité dans les affaires mais la bonne approche est, à mon sens, dans ce domaine, comme dans bien d’autres, un savant équilibre entre intuition et rationnalité. Les bons entrepreneurs ont la sagesse de puiser ce qui est bon dans chacune des approches et de les conjuguer pour en tirer profit.